07/03/2014

Minimalisme, qualité et lisibilité (...foutaises ?)

En parlant minimalisme, on entend souvent : c'est réduire la longueur des mots !


Et bien non, ce n'est absolument pas cela. Tous les mots, à partir du moment où ils sont compris et utilisés par l'utilisateur final sont utilisables dans une documentation technique.

En matière de longueur des mots, quelques esprits qui s'autorisent à penser pour les autres, nous recommandent l'emploi de tests de lisibilité pour mesurer la qualité de la documentation technique. Vous savez, les tests de Flesch-Kincaid, Fog, etc.

On dispose même d'outils disponibles en ligne qui "calculent" le taux de lisibilité d'un document. Amusant, non ? Pour la langue française, choisissez (sous "Method") l'option  Kandel & Moles.

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Malheureusement, ces petits joujoux ne résistent pas à un examen un peu approfondi

  En effet, les tests sont basés sur 2 critères : 
  • la longueur des phrases 
  • la longueur des mots. 

Plus le mot est long, plus il est considéré comme "difficile" à comprendre. Comme l'indique
le Prof. Franck Ganier :
"... plus les phrases sont longues et le vocabulaire complexe, moins le texte est "lisible"  .

Soit, mais en y regardant de plus près, selon  F. Ganier (*) :
"si l'on considère que ces formules ont été créées à l'origine pour déterminer le niveau de lecture correspondant  à des textes écrits pour des manuels scolaires, on peut s'interroger sur la pertinence et la validité de leur usage pour l'évaluation de documents techniques". 

Erreur d'aiguillage, donc. C'est applicable aux manuels scolaires et pas transposable en rédaction technique.


De plus, ces tests n'ont été conçus que pour la langue anglaise, qui a une bien autre structure que le français ! Le test de Kandel et Moles n'est qu'une (piètre) adaptation.

Par ailleurs, Ginny Redish, dans un article datant des années '80 (**)   descend en flammes la pertinence de ces tests :

"A formula that counts only sentence length and word length or familiarity of the words is not sensitive to the order of the words or the complexity of the grammar. Sentences with misplaced clauses, dangling participles, or misused words will score as well on a readability formula as sentences of equal length that have none of these problems".
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Gadgets ?

Nous voilà en présence de gadgets puisque ces "tests" ne tiennent compte que de la longueur des mots, mais pas de leur position dans la phrase...

In fine, prenons un exemple : le terme "excipients" doit être considéré comme simple à comprendre puisqu'il ne dépasse pas les 3 syllabes en français.  Par contre, le terme

"électrocardiogramme", qui en compte 6, sera estampillé _difficile_. Or, dans la réalité, demandez à un quidam ce qu'il entend par "excipients" et par "électrocardiogramme"...Ce n'est certainement pas le plus long qui pose problème !

Alors, en conclusion, on ne va pas inclure, dans notre projet d'évaluation de la qualité de la documentation minimaliste, de tests de lisibilité... sauf pour s'amuser.

Et l'on ne va pas passer notre temps à raccourcir les mots pour faire plaisir  à Messieurs Flesch et Kincaid !



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(*) "Evaluer l'efficacité des documents techniques procéduraux: un panorama des méthodes", PUF, Le Travail humain, 2002/1, Vol.65
(**) "Understanding the limitations of readability formulas", in IEEE Transactions on professional communication, 1981,vol. 2

Voir aussi: "Comprendre la documentation technique", Franck Ganier, Editions PUF

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